Le Dommage écologique

Rédaction: Yacoubi Bouthayna

Les atteintes portées par l’homme à son environnement constituent depuis des années un élément central d’une nouvelle représentation sociale des risques. La responsabilité environnementale est le cadre juridique indispensable à l’application du principe pollueur payeur en matière d’atteintes à l’environnement. En revanche le dommage écologique est le symptôme d’une crise environnementale, qui se caractérise par la multiplication des atteintes portées aux écosystèmes, dont la fragilité est révélée par les apports de l’écologie en tant que science, mais également par une crise de notre représentation de la nature.

C’est une réalité scientifiquement constatée et socialement ressentie, paradoxalement, sa réparation reste en droit encore largement virtuelle, ce qui nous mène à soulever de nombreuses interrogations, à savoir principalement : Quelles responsabilités juridiques pour un dommage écologique ?

Dans une première partie négative de la définition qu’on peut apporter au dommage écologique, il conviendra d’exclure les dommages causés aux biens et aux personnes, qui obéissent à des logiques de réparation différentes. Ce dommage est sans répercussion sur un intérêt humain particulier mais affecte un intérêt collectif légitime. Positivement,  le  dommage écologique peut  être défini comme un dommage affectant les milieux naturels (eaux, air, sols), les espèces, les écosystèmes, les processus écologiques ainsi que les fonctions écologiques. Ces différentes notions ne bénéficient pas, à l’heure actuelle, de définition juridique faisant l’objet d’un consensus et le juriste doit se rapporter aux définitions des sciences de la vie. Les espèces sont caractérisées par l’ensemble des propriétés génétiques de leurs membres et par la niche écologique qu’elles occupent au regard de ces propriétés génétiques. Le dommage est dès lors constitué par la perte d’un élément du patrimoine génétique, dont la gravité varie selon la rareté de l’espèce et la proportion de la population touchée, ou  par la conséquence écologique de cette perte, se traduisant par le déséquilibre de l’écosystème.Le préjudice causé à l’environnement a longtemps été ignoré du juge. La raison est la suivante: ce droit a vocation à réparer les dommages causés à «autrui», or, la nature n’étant pas «autrui», elle ne peut subir un dommage réparable. C’est finalement aussi bien l’exigence de l’intérêt à agir personnel que celle du caractère personnel du préjudice qui est source de difficultés. C’est pourquoi, pendant longtemps, les juges ont choisi d’indemniser le préjudice écologique, en appréhendant uniquement les répercussions d’une détérioration de la nature pour les victimes humaines. Plus précisément, il se découvrait parfois derrière la réparation du préjudice moral. C’était une forme d’indemnisation classique adaptée au caractère personnel du préjudice et ses conséquences matérielles, morales et corporelles. Certes le régime classique de la responsabilité civile a été le socle sur lequel s’appui le Droit pour ériger un régime de la responsabilité environnementale, ce qui paraît tout à fait satisfaisant en terme de responsabilisation. Néanmoins, l’application d’une telle volonté, si louable soit elle, semble se heurter à la particularité du dommage environnemental : Comment réparer un préjudice irréparable, comme par exemple la disparition d’une espèce ou difficilement estimable comme la pollution de l’eau ou de l’air ? Si l’action en justice est un droit fondamental, elle est aussi un droit relatif qui répond à des conditions autant subjectives qu’objectives, à savoir, d’un côté, celles concernant les demandeurs et défendeurs à l’action et, de l’autre côté, celles concernant la compétence du juge, ses pouvoirs et la prescription. Dans le domaine environnemental, ces conditions subjectives et objectives se retrouvent et invitent à apporter des précisions tant elles peuvent constituer des obstacles à la réparation et/ou à la prévention des préjudices individuels dès la recevabilité de l’action.La jurisprudence doit apporter de nouvelles formes de fautes pour élargir le domaine de responsabilité, à l’instar de la théorie de l’abus de droit, en vertu de laquelle celui qui détient un droit, doit l’exercer en prenant les précautions nécessaires pour éviter que l’exercice de son droit cause un préjudice à autrui. Ce qui présente une démonstration de la faute délictuelle. Toutefois, le recours à cette théorie pour imputer la responsabilité aux pollueurs parait également difficile vu que la réunion de certains éléments reste toujours nécessaire, notamment, l’obligation qu’a la victime de prouver que l’exercice du droit était motivé par la volonté de nuire à autrui, et que celui qui l’exerce avait la possibilité d’éviter la survenance du préjudice causé tout en vérifiant le caractère proportionnel entre l’intérêt de celui qui exerce son droit et le préjudice subi par la victime et enfin que l’intérêt qu’il tend à réaliser par l’exercice de son droit soit illégitime. On constate facilement alors la difficulté que la victime trouvera s’il veut bénéficier de ce régime pour demander réparation du préjudice écologique qu’il a subi.L’exigence de prouver une relation causale entre la faute et le préjudice environnementale est aussi selon des réflexions doctrinales une difficulté  considérable pour demander la réparation, car on est souvent confronté à plus de simples probabilités qu’à des certitudes.

 

 

 

 

 

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